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L'électronique se décharge à Karachi

18/08/2004 07h51, par Libération.fr

Des conteneurs de déchets électriques et électroniques arrivent par bateaux entiers sur le port de Karachi, au Pakistan, après une escale à Dubaï (Emirats arabes unis), plaque tournante du commerce de la région. Une fois débarqués sur les quais, ils sont vendus aux enchères. «Nous ne savons pas exactement ce qu'il y a dedans, explique l'un des acheteurs, un junk dealer. Cela peut être des climatiseurs cassés, des générateurs, des télévisions et bien sûr des vieux ordinateurs.» Ces déchets, qui viennent essentiellement des Etats-Unis, parfois d'Europe et d'Asie du Sud-Est, vont trouver une seconde vie au Pakistan.

Sans protection. Ceux qui sont encore utilisables sont d'abord réparés, puis mis en vente dans des boutiques d'occasion. Les autres atterrissent au marché Shershah, près d'une zone industrielle de Karachi. Un immense bazar en plein air, où les petits marchands sont installés entre les monceaux de câbles, les amas de cartes graphiques, les piles d'écrans et de disques durs... Amjad, vendeur ici depuis deux ans, explique : «Nous séparons les pièces des ordinateurs qui ne fonctionnent plus et nous les vendons au kilo. Le plastique et les métaux peuvent être recyclés et, dans certaines parties, il est possible d'extraire des matières qui se revendent bien, comme l'argent, l'or, le cuivre...» Le cuivre des câbles est vendu 120 roupies le kilo (1,66 euro) à des usines d'électroménager. Le plastique est bradé à 2 roupies le kilo (0,03 euro).

Pour recueillir les métaux des cartes graphiques et des processeurs, il faut les chauffer, voire les brûler. Un processus extrêmement dangereux puisqu'il est pratiqué sans protection contre ces fumées cancérigènes, et qu'il contamine l'air et l'eau. Or les ordinateurs sont bourrés de matériaux toxiques, de substances chlorées, bromées, de métaux lourds comme le plomb, l'oxyde de plomb, le cadmium, le baryum, le béryllium et le mercure, ainsi que de PVC (matière plastique, chlorure de polyvinyle) et de PCB (polychlorobiphényle), qui produisent des dioxines et du furanne quand ils sont brûlés.

Nauséabonde. «Auparavant, les composants étaient brûlés dans le marché, explique l'un des commerçants. Mais cela sentait tellement mauvais qu'on l'a interdit.» C'est désormais sur les bords de la rivière Layari toute proche que les ordinateurs sont brûlés pendant la nuit et les restes jetés dans le cours d'eau, qui ressemble plutôt à un égout.

Certains préfèrent pratiquer ce travail à domicile. Comme Najib, trentenaire au chômage qui, dans la cuisine de son petit appartement, opère en véritable orpailleur. Il dépose les composants achetés au marché dans un plat, ajoute de l'acide et fait chauffer la mixture sur sa cuisinière à gaz. Très vite, une fumée rouge nauséabonde se dégage du mélange. Après plusieurs rinçages, il ne reste au fond du bol que des particules brillantes. «C'est de l'or, je le revends à des bijoutiers. Je peux gagner jusqu'à 1 000 roupies comme ça (14 euros, ndlr)», explique Najib. L'odeur atroce de la mixture donne pourtant mal à la tête : un cocktail hautement toxique dont il ne connaît pas la dangerosité.

Un militant écologiste pakistanais témoigne : «Nous avons une législation pour protéger l'environnement, mais, ici, rien n'est contrôlé... Il est très difficile de surveiller les arrivages de tonnes de déchets électroniques, il faudrait faire un inventaire des parties qui sont dangereuses, les trier. C'est trop compliqué pour les douaniers.»

Obsolètes. La convention de Bâle de 1989 interdit pourtant l'exportation de déchets dangereux des pays de l'OCDE vers le tiers-monde. Cette convention est entrée en vigueur pour l'Union européenne le 7 février 1994, mais les Etats-Unis, grands consommateurs d'ordinateurs, ne l'ont pas ratifiée.

Et la révolution électronique laisse chaque année dans son sillage des millions d'ordinateurs, qui deviennent obsolètes de plus en plus vite. Un véritable casse-tête puisque leur recyclage est coûteux et complexe... Mis à la décharge, ils polluent le sol et les nappes phréatiques, et leur incinération provoque des émissions de fumées toxiques. Il est tellement plus facile de les envoyer en Inde, en Chine ou au Pakistan, sous couvert de «recyclage» ou de «dons».

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